Je voudrais remercier les responsables et organisateurs de ce challenge. En effet, vous verrez à la lecture de mon récit que si je connais bien le secteur, jamais il ne me serait venu à l'idée de chercher à me dépasser pour accéder plusieurs fois au sommet la même journée. Et pourtant, c'est en cherchant à toujours aller plus loin qu'on apprend mieux à se connaître soi-même, et qu'on connaît ses plus grandes joies sportives.

Ce sera mon résumé: MERCI A VOUS ET A TOUTE VOTRE EQUIPE !!!

 

Il y a 23 ans ...

 

Il y a 23 ans, je découvrais pour la première fois le plaisir et la difficulté de gravir le Grand Colombier. Durant plus de 10 ans au cours desquels j'ai passé toutes mes vacances d'été près d' Hotonnes, j'avais eu l'occasion de gravir les 4 faces, mais jamais plus d'une par sortie. Celle que j'ai gravie le plus souvent étant bien entendu celle de Champagne, normal en venant d'Hotonnes ou de Songieu.  La dernière, après huit ans d'absence, en 2007, par Culoz.

 

Aussi, quelle ne fut pas ma surprise lorsque mon beau-père (savoyard) m'a envoyé un article de presse dans lequel on parlait de la Confrérie des Fêlés du Grand Colombier ...  Une incitation au voyage !

 

Une réservation de gîte plus tard, et me voici dans votre charmante région, avec l'idée bien arrêtée d'en découdre avec celui qui nous nargue de très loin, tant il est reconnaissable !

Gros problème, je n'ai ressorti le vélo que courant juillet, et je me présente au pied de la montée avec moins de 500 km de préparation (rien en 2008 et en 2009).  Certes, la pratique assidue du jogging me donne quelques assurances au niveau cardiaque et respiratoire, mais quand même, dans les gros pourcentages, il faut des cuisses!  Surtout si comme le Ch'ti que je suis, on se présente sans le triple plateau !

 

Alors, quelle ambition ce mercredi 25 août ?  Celle d'entrer dans la Confrérie comme membre me fait déjà peur, aussi je n'envisage que comme un rêve assez fou d'en faire un peu plus.

 

Me voilà au départ de Culoz!  J'essaie de gérer au mieux la montée, en évitant de me mettre dans le rouge, avec mon 34/28 que j'ai bien du mal à emmener en souplesse dans les gros pourcentages (le manque de cuisses !). Je profite pleinement du magnifique panorama dans le passage des virages en épingle.

Par rapport à mes expériences passées, je suis surpris d'arriver aussi facilement (enfin presque...) au sommet.  Le remplacement de mon 25 dents par un 28 quelques jours avant le départ de Boulogne sur mer, ainsi que des séances de fractionné en côte (le Mt Lambert du championnat de France 2005) doivent y être pour quelque chose.  Alors, après cette première ascension,  j'hésite: deux ou trois montées ?

 

La tentation est la plus forte, et me voilà parti vers Anglefort (pas prévu au programme initial...).   Une grosse appréhension étant donné que je sais qu'il n'y a quasiment aucune récupération possible dans les 10 premiers kilomètres, et qu'on ne s'y amuse beaucoup que si on aime les pourcentages sérieux !

Toujours en gérant au maximum et en essayant autant que faire se peut de privilégier la souplesse à la force, je parviens un peu fatigué quand même au sommet.  Une bonne pause pour me restaurer (et essayer de récupérer...) et me voici parti vers champagne.

 

Et là, que ce fut dur !  Heureusement qu'il y a plusieurs zones de récupération, assez bien réparties sur la montée, parce que j'aurais été incapable de tenir 6 à 8 km de suite de vraie montée avec du pourcentage, comme c'était le cas dans les deux précédentes.  Sans oublier la chaleur sous un gros soleil, entre 13 et 14h00...

 

Mais au final, quelle récompense: la première chose que je vois dépasser au dessus de l'arête de la route au sommet du Grand Colombier, c'est le Mont Blanc parfaitement visible, et tout illuminé par le soleil qui lui fait quasiment face à cette heure là.  Pour un nordiste, quel spectacle !   Je n'avais jamais eu une telle vue lors de toutes mes ascensions de ce mont, et Dieu sait qu'il y en eût dans un passé malgré tout assez lointain.

 

Les jambes très lourdes (c'est la première fois que je dépasse les 100 km depuis 2005! et pas avec 50 km de montée ! ! !), mais avec un grand bonheur, je me rends alors compte que j'ai réussi ce qui me semblait avant ma tentative un rêve probablement hors de portée.  Je savoure ce moment tout autant que le spectacle de toute beauté sous mes yeux. Un grand et beau moment !   Extraordinaire.

 

Certes, je suis loin des fabuleux exploits des grands Maîtres, des défis bugistes, de ceux qui ont réussi 8 ascensions ou plus encore, mais compte-tenu du peu de kilomètres de ma préparation, et du fait que je viens d'une région où les montées les plus longues n'excèdent pas 1500m, avec un dénivelé de 120 à 150 m seulement, j'apprécie ce que je viens de faire à sa juste valeur, celle des souffrances endurées proportionnelles au plaisir final indescriptible.

 

Et je me dis, sous réserve de vérification, que je suis peut-être parvenu au grade de Maître des Fêlés avec le record en ce qui concerne le minimum de km d'entraînement avant la tentative.  Tout ça, en n'escaladant des montées dignes de ce nom qu'en moyenne tous les deux ou trois ans !

 

J'ai alors une pensée pour ceux qui ont eu l'idée de cette Confrérie: quelle belle et riche idée !

 

Et la suite ?

Reviendrais-je tenter les 4 montées ?  Je n'en suis pas certain, même si ce n'est pas l'envie qui manque.

Mais vivre aussi loin de la  montagne, la vie professionnelle, la famille sont autant de contraintes pas faciles à gérer. Et je sais que pour y parvenir, il me faudra parcourir avant bien plus que les 4 à 500 km de cette année.

Mais qui sait ?

Par contre, j'ai essayé de transmettre le virus à mon fils de 21 ans. Deux jours après ce qui est ma plus grande aventure cycliste, je l'ai emmené grimper une face (par Lochieu). Si ce n'est pas la plus difficile, il a pu tout de même mesurer ce que 2, 3, ou 4 ascensions peuvent représenter. Surtout qu'il n'est pas vraiment un cycliste assidu (encore moins que moi !).  Peut-être que cela cheminera dans son esprit, et que dans quelques années il reviendra pour entrer lui aussi dans la confrérie.

En attendant, le grand Colombier a été à 27 ans, ma première vraie ascension, ma première fierté montagnarde.

23 ans plus tard, il est encore au rendez-vous d'une autre grande joie cycliste.

Je constate avec beaucoup de plaisir que j'ai toujours le même respect pour ce qu'il représente, mais surtout, que j'ai toujours les mêmes yeux et le même regard amoureux quand je le vois au loin, que le jeune homme que j'étais.  Quel plaisir de voir qu'au moins sur ce plan là, les années n'ont rien changé...

 

P.S. :   L'intervalle entre chaque montée est assez long.  d'une part, je me suis longuement arrêté à chaque fois au sommet pour me restaurer, et d'autre part, je suis descendu très prudemment, de nombreuses pierres jalonnant la route. Et de toute façon, je ne suis pas un grand spécialiste en descente

Bruno MALLEVAEY - Août 2010