Une journée qui restera gravée dans ma mémoire
C’était une belle aventure et un sacré défi. Au programme figurait d’abord le BCMF des Vosges, le seul qui me manquait, réalisé sur deux jours pour ne pas trop puiser dans mes forces, bien que la montée de Gérardmer m’ait laissé quelques souvenirs…
Le dimanche soir, direction le camping de Ruffieux. Quelques jours de repos, un peu de vélo cependant avec la reconnaissance du point de départ des 4 faces, sortie effectuée avec madame ; puis, le mardi, petit circuit par le Col de Sapenay (la route qui suit le col est superbe), puis le Col de la Chambotte (j’ai peu apprécié le belvédère privé…) avec beau point de vue sur la descente.
Puis vint le Grand Jour, le mercredi 15 juin.
Départ du camping à 6h20, échauffement tranquille jusqu’à Anglefort . Le Grand Colombier est encore un peu rouge par le soleil qui commence à pointer, les pensées se bousculent dans la tête, très focalisées sur les 19% de Virieu. On verra ça après.
1ère ascension sans trop puiser dans les réserves, il fait bon, allure soutenue, régulière à 9-10 km/h en 30 X 23et 30 X 26 pour le 14%. Tout va bien. La haut, à 1200m c’est déjà plus facile, on récupère bien sur le plat. Voilà, je suis un peu Fêlé, un peu fatigué aussi mais sans plus. Beau coup d’œil et je redescends par la face difficile. De la bifurcation vers Champagne, je note le dénivelé en m’arrêtant tous les 500m et je trouve :
500m à 13.2%
500m à 14%
500m à 14.4%
1km à 11.7%
1km à 10.4%
1km à 9%
soit environ 12% sur 4.5km. Vais-je pouvoir remonter un tel mur ?
Me voilà à Artemare, petit ravito, le plein d’eau et c’est reparti… Facile jusqu’à Virieu et l’enfer commence ! Il y a 2 ans, j’avais marché 500m avec le 30X26. Je monte à 8 – 9 km/h en 30X26 et j’ai le 29 en réserve. M’y voilà au pied du mur, ça va être long, je reste encore un peu assis à 7.5 km/h puis je passe en danseuse et c’est très long 1.5 km à 6 km/h debout. Tout fait mal, peut être plus encore les bras que les jambes et les reins. Le souffle devient court, le moral est d’enfer, je vais y arriver cette fois, jamais je n’ai autant forcé de tout mon être dans une telle pente, même dans l’Alpe d’Huez en fin de « Marmotte », c’est tout à fait infernal. Bien calquer le souffle sur le cycle des pédales. Voilà, j’y suis presque, je vais réussir. J’ai réussi, je suis en haut. Je reste encore un peu assis sur 30X29 pour bien récupérer. Je retrouve la croix pour la 2ème fois. L’effort a été violent, total. J’ai mis à nouveau environ 1h30. Je suis heureux, j’appartiens déjà à la confrérie !
Je retrouve ma femme à Culoz pour un ravitaillement conséquent et un temps de repos.
Je repars, il fait très chaud, c’est midi. Le passage dans les rochers est très éprouvant (c’était écrit…), je cherche de l’ombre, je suis déjà en 30X29, j’avance à 8 km/h, je suis dans le passage à 14% et c’est le 1er coup de barre ! Arrêt de 1mn à l’ombre. Ca repart, c’est plat, ça roule bien, le moral est revenu, « ça va le faire ». Je retrouve le 2ème passage à 14%, les jambes sont vides, la montée d’Artemare m’a épuisée, je fais 4 autres arrêts d’une minute et me voilà enfin à 1200m, le plus dur est passé, je termine à peu près convenablement mais en 1h53 « tout compris » et je deviens « Maître ». Discussion avec des cyclos là-haut : « 3 fois !!! et vous allez en faire une 4ème !!! »
Je redescends vers Champagne où je retrouve ma femme (la petite côte avant me prouve que je n’ai plus beaucoup de ressources !). Alimentation, surtout liquide, Yop, crème, impossible de manger le moindre morceau de pain. Vais-je repartir pour la 4ème ? N’est-ce pas trop demander à l’organisme quand on a presque 60 ans ? Si j’arrête à 3, sans doute nourrirais-je des regrets car il est peu probable qu’à mon âge, je recommence un tel défi !
Aller, c’est reparti. Le moral est là et supplante des jambes devenues vides et pesantes. Quelques courtes pauses me permettrons néanmoins d’arriver à nouveau au sommet, mettant un point d’honneur à ne pas m’arrêter dans la dernière et longue ligne droite. Voilà la croix, je m’arrête enfin. J’essaye de ne pas tomber, ivre de fatigue mais tellement heureux. En bas, le Lac du Bourget si cher à Lamartine rappelle à ma mémoire quelques vers si connus. Il n’y a plus qu’à redescendre vers Culoz, et c’est dur la descente quand on est si fatigué, faire très attention, ne pas gâcher cette journée par une chute comme celle que j’ai connu le 15 janvier 2005, passant par dessus un parapet, tombant dans l’eau 5 mètres en dessous, les deux jambes touchées, 2 mois de fauteuil roulant !
Voilà Culoz, puis voilà le camping. Le sourire aux lèvres, je suis devenu « Grand Maître » des Fêlés. J’ai une dénivelée de 4800m pour 156km.
La nuit sera mauvaise, trop fatigué pour bien dormir mais les jours suivants me verront suffisamment rétabli pour escalader quelques cols Suisses du coté de Sion et faire mon 1000ème col au Grand Saint Bernard, mais ceci est une autre histoire… et une autre confrérie…