Comment dépasser ses objectifs...


C'est avec une certaine fierté que je vous retourne ma carte de route tamponnée, un peu tardivement , après les vacances qui ont suivies ma tentative au Grand Colombier .
Mon objectif de début de saison était d'intégrer la Confrérie par la petite porte : 2 faces et les passer coûte que coûte, même s'il me faut 3 heures par face. Vous constaterez d'après ma carte que je me suis laissez prendre au jeu et que les 4 faces ont été réalisées dans la journée.
Je ne vais pas vous faire croire que c'était plus facile que prévu : j'étais très bien entraîné avec 6 mois de préparation - 3000km, en sélectionnant, bien entendu, les parcours les plus vallonnés de ma région Rennaise. Cette préparation s'est montrée bien utile pour aborder le Grand Colombier, car il faut bien le dire, je n'ai rien monté de plus difficile malgré ma bonne connaissance des grands cols Alpins et Pyrénéen. J'avais préparé un 30x28 pour l'occasion, au cas où. ..
J'ai laissé ma voiture à Culoz et démarré la journée par la montée d' Artemare. Cette montée est vraiment hallucinante: dès le bas du village cela démarre dur, ça se calme avant Virieu-le-Petit, mais quand on passe devant le panneau " 19 % sur 3000m " là, comme dirait mon fils, " tu respectes ". J'ai fait les 3000m complètement en danseuse en 30x23, puis 30x25 dans le ressaut à 22%. Une petite accalmie, permet après de se refaire pour aborder le dernier assaut qui est redoutable (surtout s'il y a du vent comme le jour où je l'ai fait).
J'ai poursuivi avec la montée d'Anglefort. Je l'ai effectué en compagnie d'un groupe d'une dizaine de Suisse qui venaient faire juste cette face. Ils m'ont bien donné le rythme dans cette face qui est à mon avis la plus dure car régulière et sans trop de passage où se récupérer. J'ai trouvé que le petit passage au sortir de la foret du côté de la Sapette faisait vraiment très mal.
Retour à ma voiture, où après une solide collation je décidais de poursuivre l'aventure par la face de Culoz, après tout mon objectif était rempli. Il est vrai que faire cette montée en début d'après midi est suicidaire, les deux bidons emportés on pris une claque des les premiers lacets. Mais la beauté du paysage est sans pareil. L'enchaînement des lacets courts et pentus dans la falaise est un véritable régal , un véritable nirvana du grimpeur. Quand j'ai rejoint la route d ' Anglefort, j' étais en terrain conquis: je suis déjà passé ici, et je dois passer à nouveau. Mais bon sang qu'il était dur ce petit passage de la Sapette (c'est le petit replat juste avant qui vous relâche les jambes et l'esprit, et vous détourne de la difficulté à venir qui vous cingle les cuisses). 3ème ascension réalisée. Je n'en revenais pas.
Il était encore tôt, direction Champagne. La quatrième ascension est assez trompeuse, elle comporte aussi de longs passages à 11 %, et le 30x25 était le bienvenu pour les absorber. Enfin dernier replat avant d'aborder le dernier ressaut qui est vraiment terrible, mais la quatrième ascension était là, accessible, elle profilait son dernier kilomètre et l'euphorie de la réussite m'a donné-des ailes.
Quelle journée. ..Le Grand Colombier, ça c'est un défi sans pareil.

Nb : J'ai effectué ma tentative le 1er Juillet 2004. Auparavant, je suis venu faire une reconnaissance en voiture de la montée d' Artemare le Dimanche 27 Juin. Cette montée m'a effrayé, et j'ai bien cru que je m'étais déplacé de Bretagne pour rien. Mais il y a autre chose qui m' a encore plus effrayé: au kilomètre 10 de la montée
d 'Artemare, dans les fameux 3000 m à 19%, j' ai doublé avec ma voiture un enfant qui montait à pied à côté de son vélo. Ma première réaction a été de penser, mais qu'est-ce qu'il fait là ? Il s'est perdu ? Le temps de réfléchir, je continue à rouler doucement, et je double un autre cycliste, adulte celui-ci, qui à l'air d'en chier comme un Russe. Je continue, je double un autre enfant, un peu plus grand celui-ci, mais il monte sur son vélo; comme il peut, mais il monte. Arrivé au sommet je gare ma voiture et le regarde côté ouest si je revois mes cyclistes. Et là, je vois mon premier petit bonhomme qui monte, sans mettre pied à terre, il en bave, roule à l'arraché mais il y arrive finalement. Complètement épuisé. Le temps qu'il récupère, je vois l'adulte et l'autre enfant en contre bas, un peu sur son vélo, le reste du temps à pied.
J'ai discuté avec le jeune grimpeur : il a 12 ans! Son père le suit, et il aimerait bien qu'il arrive car il est en hypoglycémie grave. Son frère, qui use ses baskets dans le Grand Colombier, il a 10 ans. ..
Je suis désolé, mais là je trouve qu'il y a des gens totalement inconscients. Je ne sais si ce père qui emmène ces deux fils dans le Grand Colombier, fait partie de la confrérie, d'ailleurs cela m'est égal, mais je le dis clairement c'est de la débilité pour les raisons suivantes :
¤ Des enfants de 10 et 12 n'ont pas fini de faire leur croissance, et un effort aussi violent et aussi long que la montée d ' Artemare est particulièrement dangereux pour leur santé. Pour preuve, les courses cyclistes de minimes (année des 13 ans) sont limitées à 30 km avec braquet maxi de 46x16. Monter le Grand Colombier, c'est un tout autre effort.
¤ Si ce père veut dégoûter à vie ses enfants du vélo, il a certainement réussi en une seule fois.
¤ L'état des vélos des enfants laissait présager une descente dans le style roulette russe.
Ce n'est pas parce que l'on monte Artemare à 12 ans que l'on sera le nouveau Virenque. A l'age de 14 ans, j'avais déjà monté les cols de Vars, d'Izoard, d'Agnel et Cime de la Bonette, et tous passés sans problème avec un développement mini de 42x2l. Cela ne m'a pas empêché d'être une chèvre en course !

Voila, j'ai poussé mon coup de gueule, mais j'avais cela sur le coeur. Ils m'ont fait pitié les petits gamins.
Moi mes enfants (6 et 9 ans), je les embête pas avec le vélo. On en fait un peu de VTT pour rigoler, et c'est le pied. L'important c'est de partager le plaisir, de susciter l'envie, pas de galérer.
Si maintenant on veut se prouver que l'on peut faire certains défis, il faut le faire dans de bonnes conditions: entraînement, maturité, en connaissance de cause.

Enfin ce Colombier, il me fait encore rêver, je tenterais bien un p'tit défi bugiste moi…

NDLR : Pour éviter des abus de ce style, l'accès à la confrérie n'est ouvert qu'aux cyclos de plus de 18 ans…

 

Patrice COUREL - Juillet 2004