QUAND LE RTFN S’ATTAQUE AU « CHALLENGE DES FOUS »

 

Dans les numéros précédents de la revue de la FFBC, j’ai eu l’occasion de vous raconter nos défis des "6phonnés du Mont Brouilly et des "fadas du Puy Mary

Pour compléter le triptyque, il nous faut encore devenir "Fêlés du Grand Colombier » !

Aussi, le 30 août 2024, c’est une délégation de 20 personnes qui quitte la Belgique pour se retrouver à l’Auberge de La Paillère   à Lavours dans l’Ain, à un jet de pierre du Grand Colombier: 17 cyclos du « Royal Team Faulx Namur » et une assistance logistique et psychologique de 3 épouses aux nerfs à toute épreuve et à la fibre maternelle exacerbée.

 

Vu le nombre, nous avons  réservé pratiquement tout l’hôtel (13 chambres tout confort); avec, pour nous seuls, une piscine, un terrain de pétanque, une table de ping pong et un énorme patio pour nos libations d’avant et d’après Vélo…bref, le pied!

Nous faisons donc connaissance avec le personnel et les barrières tombent rapidement, le vin de la région facilitant le dialogue. Tout est prêt pour que notre entreprise soit une réussite…

Pour nous mettre en jambes, la première randonnée consiste à faire un tour de 70 km autour du lac du Bourget, en passant quand même par quelques montées, soit un dénivelé positif de 963 mètres. De l’avis de tous, ce tour est somptueux avec une vue exceptionnelle sur le lac depuis le col du chat! Sous le soleil, c’est merveilleux et, pour couronner le tout, les dames nous attendent avec un pique nique dont elles ont le secret, au bord de l’eau. Que demander de plus?

 

Le jour J au petit déjeuner, les conversations vont bon train sur le nombre de montées que chacun compte réaliser: une, deux trois voire même quatre, pour les plus téméraires et l’ordre dans lequel il vaut mieux les appréhender: Culoz, Anglefort, Champagne et Artemare. Pour être « Maître » il faut en réaliser 3 au choix, ce qui donne quand même 110km pour 3704 D+ pour les 3 premières montées citées. Chacun fera comme les sensations du moment le dicteront et les groupes se formeront d’eux-mêmes. Tout le monde attaque par Culoz et le peloton se disloque rapidement dès les premiers lacets qui dominent le lac du Bourget et le Rhône. La pente est terrible avec des maxima avoisinant les 15% et une moyenne de 7,2% sur 17,6 km…

A cause de la chaleur qui augmente au fil des heures, les ardeurs des cyclos se refroidissent progressivement et si nous arrivons tous au sommet, les sourires sont crispés et le doute s’insinue dans les esprits. Quatre d’entre nous préfèrent en rester là et regagner l’hôtel et sa piscine rafraîchissante. Les 3 plus âgés dévalent  la pente vers Champagne en Valromey, qui plus longue (18,5km avec une pente moyenne de 5,2% et des passages à 14%), leur permettra, s’ils réussissent la remontée, d’entrer parmi les membres de la confrérie des fêlés. Les 10 plus braves repartent vers Anglefort (15,4km avec une pente moyenne de 8% et des passages à 14%) en espérant terminer par Champagne pour une troisième montée. Seuls 3 d’entre eux y parviendront, les 7 autres étant vaincus, plus par la chaleur (36° au plus fort de la journée) que par le Grand Colombier en lui-même. 

La montagne choisit ses alliés et c’est encore elle qui gagne, nous ramenant à plus de modestie.

En ce qui me concerne, je veux garder le souvenir d'une sorte de parenthèse dans nos vies,  un moment hors du temps  que nous  partageons en commun  tout en étant seul face à la route qui se cabre sous un soleil de plomb qui  nous colle au bitume. 

Ta vie  de cyclo s'égrène année par année  comme les gouttes de sueur qui ruissellent sur le cadre du vélo. Je vois le chemin qu’il reste à parcourir pour atteindre le graal et je me dis que je vais échouer…
Soudain,  des cris d'encouragement qui semblent venir du ciel ou plutôt du sommet de la côte me procurent un dernier sursaut d'énergie: ce sont nos femmes qui nous aperçoivent, ahanant,  misérables points oranges courbés sur nos machines face à  l'immensité de la montagne qui nous toise. L’arrivée au sommet n’est pas vécue dans l’exaltation du succès mais nous permet seulement de récupérer des douleurs de la montée. Puis, c’est la redescente sur Culoz et le retour à l’hôtel où nous attend une bonne bière.

Après une nuit de repos écourtée par les libations proportionnelles aux efforts fournis, nous avons encore droit à une séance de décrassage de 70 km et 689D+ vers la cascade de Glandieu et les gorges de la Balme. L’ambiance est comme le temps, au beau fixe, et les kilomètres défilent joyeusement jusqu’au sprint final traditionnel.

Pour terminer le séjour, une croisière apaisante nous permet de faire redescendre la pression.

Sur le bateau, le capitaine nous raconte la légende selon laquelle Dieu prit une larme d’un ange pour créer le lac du Bourget sur lequel nous voguons, le regard perdu sur l’immensité de l’eau sur laquelle se reflètent la Dent du Chat et le Grand Colombier que nous avons défiés les jours précédents. 

Voici venue la fin de l'aventure et une question me taraude : pourquoi ces défis sportifs ? A quoi bon? Cette question je me la suis souvent posée.

Sans doute à rien, au niveau de l'exploit sportif en lui-même; quel plaisir en effet d’être « petit barjot » ou « grand azimuté »?

Et si c’était simplement pour être ensemble, pour partager une aventure et indirectement pour dire aux autres qu'on les aime.

A moins que ce soit pour le plaisir de l’acte gratuit dans ce monde où tout s’achète et tout se vend et que ce soit justement parce que cet acte est gratuit qu’il en acquiert toute sa valeur?

Ou encore pour vivre ses rêves et prendre plaisir à les raconter?

Sans doute un peu pour toutes ces raisons, mais surtout pour vous inviter à vivre aussi vos propres aventures!

Alors vous savez ce qu’il vous reste à faire! Et quand vous serez dans ces belles montagnes, que ce soit le Mont Brouilly, le Puy Mary ou le Grand Colombier, vous saurez que vous n’êtes pas tout à fait seul.

 

Pierre DEMEFFE - 30/08/2024.