Le Récit des Maîtres

 

27 décembre 2023 :

Au détour d’une conversation avec deux collègues qui viennent de goûter aux joies du vélo, j’en viens à raconter mes séjours dans l’Ain. Et notamment de cette confrérie dingue dans laquelle j’ai fait mon entrée au mois d’avril précédent, escaladant un sommet de col enneigé par deux fois début avril. « Ça vous dirait qu’on y aille ensemble, et pour trois ascensions ? »

Voilà, c’était décidé. Je jouerai le rôle du sage, de l’expérimenté, et mes collègues Reda et Mayeul plus jeunes d’une dizaine d’années m’aideront à repousser mes limites, entraînés par la fougue et la force de leur jeunesse.

Après 6 mois et quelques sorties pour s’entraîner à grimper un col (pas facile en région parisienne…) voilà que je réserve une chambre d’hôtel au pied du géant du Bugey.J’ai tout minutieusement anticipé. Un sac de ravitaillement pour chaque ascension a été préparé. Il suffira de le cacher au départ de chaque montée pour faire le plein, et ainsi éviterde s’alourdirdes litres d’eau et des « repas » pour l’ensemble de la journée.

 

Samedi 15 juin2024 :

Départ de Saint-Germain-en-Laye (78) dans la matinée, nous arrivons à l’hôtel à Anglefort en fin d’après-midi et procédons à la cachette de nos « ravito ». Difficile de trouver le sommeil avec l’excitation mais la nuit fut tout de même agréable.

 

Dimanche 16 juin 2024 :

C’est le grand jour. Objectif : Culoz, Artemare et Champagne. La dernière descente se fera par Anglefort, comme ça nous visiterons toutes les routes du Grand Colombier.

1 –08h00, nous partons en direction de Culoz pour notre première ascension et les quelques kilomètres jusqu’au pied nous servent d’échauffement. Le ciel est magnifique, une journée splendide nous attend, mais il faudra se méfier des chaleurs car il est annoncé 30 degrésà partir de midi. L’ascension se fait à un rythme agréable, notre seul objectif est de grimper les trois ascensions avant le coucher du soleil. Pour Mayeul et Reda, c’est leur premier col. J’ai un peu plus d’expérience en montagne après mes quelques séjours effectués ici mais sans plus. Alors on en profite, la vue est tellement belle et les lacets dans la roche sont mythiques. Après 2heures d’effort, nous atteignons le sommet, la vue est dégagée c’est vraiment spectaculaire. Nous prenons le temps d’immortaliser l’instant, de nous couvrir et nous nous jetons dans la descente en direction d’Artemare…

2 – Arrivés au panneau de départ (après une crevaison subie par Reda dans la descente), nous sortons de son trou notre ravitaillement qui nous attendait bien au frais, et on remplit les poches et les gourdes. C’est la seule montée que je découvre aujourd’hui. Et quelle découverte… La longue partie dégagée entre Pont et Munet en plein soleil me fait déjà mal : 35 degrés sans la moindre portion d’ombre. Mais ce n’est que l’apéritif. La suite est atroce. Le terrible passage à 22% (23 selon mon compteur) semble tellement long. Je suis littéralement à l’arrêt malgré une montée en zigzaguant sur la route. Et je me dis que la troisième ascension sera peut-être infaisable tellement je puise dans mes réserves pour trouver la force de ne pas poser pied à terre. Mayeul a pris un peud’avance et Reda est à quelques dizaines de mètres devant moi. Il croise une voiture qui descend la route et doit ralentir ce qui provoque sa chute à l’arrêt. Impossible pour lui de repartir dans une telle pente, il lui faut marcher environ 100m avant de trouver une pente « moins raide »(entre 15% et 20%) qui lui permet de remonter sur sa selle. Il reprend son rythme et me double. Tous les deux m’attendent quelques minutes au carrefour de Fromentel et nous rejoignons le sommet ensemble pour la deuxième fois.C’est bizarre, je ne sais pas si je vis le pire ou le meilleur moment de ma vie de cycliste… Pas le temps d’y réfléchir plus longtemps, c’est parti pour la descente vers Champagne en Valromey.

3 – De nouveau ravitaillés, nous nous embarquons dans ce qui sera notre ultime effort de la journée. Le moral est au beau fixe malgré la difficulté rencontrée dans Artemare (surtout pour ma part) car la descente m’a permis de bien récupérer. Non sans mal malgré les pourcentages plus faibles de la première moitié, nous progressons.Les deux kilomètres précédents le carrefour de Fromentel à plus de 10% nous rappellent néanmoins à quel point les jambes commencent à être épuisées. Mais c’est bientôt terminé, et pour ma part le mental prend le dessus sur la douleur. Mes deux solides compagnons de route ont de nouveau pris de l’avance, car il est important que chacun monte à son rythme. De nouveau regroupés pour les derniers kilomètres, nous finissons dans la douleur mais Reda et Mayeul trouvent la force d’accélérer dans le dernier kilomètre qui semble pourtant interminable face au vent.

Épuisés, mais terriblement contents d’en avoir terminé nous immortalisons l’instant et savourons la réussite de notre exploit. Je félicite mes amis qui pour leur première sortie en montagne auront grimpé 3 694m de dénivelé. Respect.

La montée par Artemare me fera faire des cauchemars et je jure que : plus jamais !!!

 Pourtant, cela fait maintenant un mois et…

Je crois que j’ai envie d’y retourner.

 

Ce sport est aussi fou que ceux qui le pratiquent.

 

Vive le vélo, et vive le Grand Colombier !

 

Adrien LEPAIN, Reda BOUMEDIANE et Mayeul ORGET
16/06/2024