Le "Défi Bugiste".
Introduction du défi Bugiste
Depuis que j’ai intégré le club très fermé des fêlés du grand colombier en 2016 (en tant que « Grand Maître », ayant monté les 4 versants du Grand Colombier), l’idée de réaliser le Défi Bugiste me trotte par la tête - en gros le Défi Bugiste, c’est les 4 montées du Grand Colombier (qui représentent déjà 4800m de dénivelé) auquel on rajoute deux montées du col de la Biche voisin.
Le tout donne un défi assez immense (un des plus difficiles en France) qui ne s’aborde pas à la légère. Les chiffres sont assez affolants, que ce soit au niveau
- Du dénivelé : 7043m de dénivelé positif
- Du kilométrage : 208km
- Ou encore de la complexité des montées : le Défi Bugiste, ça représente 6 cols hors catégories qui présentent tous des passages de plusieurs kilomètres de suite à 10% ou plus. Par Anglefort on est sur 10km à 9,5% de moyenne par exemple. Côté Artemare, on retrouve 4km de suite à 10%, 12,5%, 14,5% et 12%.
A cela s’ajoute une complexité supplémentaire sur la durée des journées
- Pour un tel défi, en comptant les montées, les descentes, les pauses et quelques imprévus, il faut compter une quinzaine d’heures. Or, comme je me refuse absolument à pédaler de nuit (une descente de grand col, c’est déjà bien assez dangereux de jour), cela limite fortement la période de l’année pendant laquelle ce défi est faisable – en gros c’est juin et la première quinzaine de juillet. Or, cette période de l’année correspond plutôt au début de ma saison de vélo (je fais toujours un break entre début novembre et fin février et je ne fais en général que quelques sorties sur mars/avril/mai) et c’est très compliqué d’avoir un très bon niveau de forme aussi tôt.
- Cela implique également de partir très tôt, dès le lever du soleil et donc de se lever de TRES bonne heure. Tout ceux qui me connaissent savent que je considère comme une hérésie le fait de se lever avant 9H J, là pour être sur place à 6H, même si je prépare tout la veille, ça implique de partir de chez moi à 4H et de me lever à 3H30. Comme je suis dans l’incapacité totale de m’endormir si je me couche avant minuit au plus tôt, ça annonce une nuit bien courte, pas l’idéal pour un tel défi aussi physique.
La décision d’y participer en 2022
En réalité, depuis 2016 et mes 4 mois de congés sabbatique pour faire du vélo, à aucun moment je n’ai vraiment senti que j’avais un niveau suffisant pour tenter un défi aussi absurde.
- En 2017, mon déménagement à Grenoble a fortement tronqué ma saison et j’ai eu beau beaucoup pédaler par la suite, je n’ai jamais retrouvé mes jambes de 2016.
- En 2018, j’ai eu de très gros soucis de santé, au point d’avoir énormément de mal à simplement marcher pendant des mois. Lorsque ça allait mieux, j’ai encore une fois pas mal pédalé, mais c’était beaucoup trop tard pour développer le foncier nécessaire à un tel défi.
- En 2019, j’ai fini par retrouver en fin de saison un excellent niveau qui m’a permis notamment de réaliser le défi des Cinglés du Ventoux, mais c’était déjà fin août, trop tard dans la saison pour envisager le Défi Bugiste
- Et enfin en 2020 et 2021, le COVID et surtout les inepties et restrictions de notre gouvernement ont tronqué ma préparation, ma motivation etc… et je ne me suis jamais vraiment senti capable d’aborder ce défi. Je me suis rabattu du coup sur d’autres défis plus « raisonnables » comme la montée en VTT à plus de 3000m au col du Jandri en 2020 et au col du Rosael en 2021 (ces deux montées étant une horreur absolue J)
Pour 2022, j’avais décidé comme en 2016 de faire un break sans travail pendant quelques mois (entre début juin et fin août), c’était donc l’occasion ou jamais de réaliser ce Défi Bugiste. En effet, si j’ai eu très peu de temps pour faire du vélo jusqu’à fin mai, j’ai mis les bouchées doubles au cours de ce mois de juin et de début juillet - pendant cette période j’ai en effet fait 23 sorties en montagne entre 2500m et 3500m de dénivelé. Bref, une préparation en quelque sorte « idéale ».
Pour autant je partais complètement dans l’inconnu sur ma capacité à tenir la longueur sur ce type de défi. Mes sorties de juin m’avaient rassuré et je n’avais aucun doute sur ma capacité à pousser jusqu’à 4000m de dénivelé, mais au-delà c’était l’inconnue totale.
- Je n’ai jamais fait une sortie à 5000m de dénivelé de ma vie
- Je n’ai jamais fait une sortie à plus de 150km dans ma vie
- Ma plus longue sortie en 2022 était à 3500m de dénivelé
- Je n’ai dépassé les 4000m de dénivelé que 3 fois dans ma vie
- La première fois en 2016 quand je suis justement devenu Fêlé (4800m de dénivelé)
- Une deuxième fois en 2019 quand je suis devenu Cinglé du Ventoux (4300m de dénivelé)
- Et enfin une troisième fois en 2021 lors d’une tentative pour attendre la barre des « 5000 », tentative malheureusement avortée à 4400m de dénivelé. Cependant, mon échec n’était pas dû à un problème physique, mais à une crevaison de mon pneu de… voiture en me rendant sur les lieux (oui ce n’est pas banal comme raison d’échec). Le temps d’appeler l’assurance, le dépanneur etc, je n’avais pu démarrer que bien tard et j’avais arrêté à la tombée de la nuit sans pouvoir atteindre les 5000
Ceci dit, en 2016, j’étais également dans l’inconnu quand je me suis lancé dans le Défi des Fêlés, j’étais parti pour faire 3 montées, et j’en avais finalement fait 4. Donc j’espère que ça se passera aussi bien cette fois-ci J.
La préparation
Les Plans
Pour un tel défi, il faut mettre toutes les chances de son côté et bien se préparer
- Mécaniquement (pneus et freins neufs, vélo léger et en bon état…)
- Au niveau logistique (gestion de l’aller et du retour domicile-grand colombier, Boissons/Nourriture)
- Au niveau planning
Après avoir bien hésité, et contrairement à 2016, j’ai finalement décidé de ne pas m’héberger sur place. En 2016 je n’avais pas le choix (habitant sur Paris), mais étant maintenant au Sud de Grenoble, dormant toujours mal la première nuit en dehors de chez moi et avec la chaleur intense du moment, plus facile à gérer chez moi que dans une chambre d’hôtel, j’ai estimé qu’il était plus sage de prendre quelques heures de sommeil chez moi (même si ça voulait dire me lever 2H plus tôt) que de risquer de ne pas dormir du tout.
J’avais prévu comme en 2016 de poser ma voiture en haut du Grand Colombier pour pouvoir me ravitailler régulièrement au fur et à mesure de mes passages.
J’avais prévu de prendre avec moi comme toujours mon petit sac à dos (et je m’attends à ce tous les « purs » cyclistes se moquent bien de moi ici, ne vous inquiétez pas vous pouvez y aller j’ai l’habitudeJ), dans lequel j’aurai des snacks (abricots secs…), mon téléphone, un maillot de rechange pour éviter de descendre avec un maillot trempé de sueur dans le froid, le coupe-vent, éventuellement ma veste thermique selon le temps, le matériel de secours (chambre à air, pompe…), papiers/crayons pour notre les heures de départ et d’arrivée etc…
Au niveau boissons et nourriture, tous ceux qui me connaissent savent que je ne consomme pas d’aliments « énergétiques » (gels, boissons énergétiques etc…), or un défi comme celui-ci doit bien consommer dans les 7000 calories, il faut donc être en capacité d’absorber une bonne quantité de nourriture avant, pendant et après le défi. J’avais prévu deux ravitaillements complets (sandwichs, œufs durs etc…) après mes 2ème et 4ème montées plus des snacks salés et sucrés en grande quantité tout au long de la journée (abricots secs, chocolat, chips etc…). Pour les boissons, j’applique une méthode qui marche bien pour mes très longues sorties – eau + un fond de jus de citron pour donner un peu de goût + un sucre au fond du bidon + une pincée de sel par bidon
Concernant le planning, l’ordre est imposé pour le Défi Bugiste, mais on peut démarrer d’où on veut. Je décide donc de commencer par la montée d’Artemarre pour me débarrasser au plus vite des pourcentages les plus difficiles. Sur le site Meteo France, ils annoncent le lever du soleil pour 6H et le coucher à 21H30 pour début juillet. Cela me laisse donc 15H30 pour réaliser le défi, je garde les 30 dernières minutes en « assurance », il me reste donc 15H. Je répartis ces heures entre les montées en laissant un peu plus de temps pour les deux dernières montées. Cela me donne 3 tranches de 5H
- 2H15 pour chacun des deux premiers cols (montée/descente + pause) + ravitaillement complet numéro 1 30 minutes
- 2H15 pour chacun des cols 3/4 (montée/descente + pause) + ravitaillement complet numéro 2 30 minutes
- 2H30 pour chacun des cols 5 et 6
A priori mon niveau devrait me permettre de tenir ces délais, mais je ne pense pas avoir une grosse marge. Ce planning me permettra donc de suivre mon timing au fur et à mesure de la journée, de confirmer si je suis dans les temps et de faire des adaptations sur les pauses si besoin est.
La réalité se heurte à mes plans
Sauf qu’évidemment, rien ne se passe jamais comme prévu et en début de semaine à l’inscription je m’aperçois que la route de Culoz est coupée. Du coup, cela veut dire encore un bon quart d’heure de plus de chez moi pour monter la voiture au sommet. Cela veut aussi dire deux montées par Anglefort (ce qui, comme l’a dit si bien Michel, n’est pas vraiment un cadeau).
Du coup j’adapte le plan. Je déposerai finalement la voiture à Anglefort et je démarrerai par la montée d’Anglefort. Ça veut dire faire Artermarre en deuxième, ce qui reste raisonnable. Et au vu des deux montées par Anglefort, ça me permettra quand même d’accéder à ma voiture après les montées 2 et 4 pour le ravitaillement complet.
Les derniers jours
- J-10 à J-3 : fin de ma préparation, 8 jours de vélo du Grand Bornand avec des sorties quotidiennes entre 2500 et 3500m de dénivelé. Rentrée chez moi tard le soir après une journée de vélo à J-3.
- J-2 et J-1 : repos, on recharge les batteries pour le grand défi. Je décide à J-2 que je participerai bien à ce défi le Samedi 09 Juillet
- J-1 22H30 – coucher à une heure qui n’est pas vraiment dans mes habitudes
- J-3H30 – lever extrêmement difficile, comme prévu j’ai eu énormément de mal à m’endormir mais je pense avoir quand même réussi à capturer quelques heures de sommeil. Gros petit déjeuner, je prépare la glacière
- J-4H15 – départ, je suis déjà en retard de 15 min J
- 6H – arrivée sur Anglefort. Je pose la voiture, je prépare le vélo et m’équipe pour les deux premières montées. Il faut déjà très bon malgré l’heure matinale, mais après avoir hésité je décide quand même de rajouter ma veste thermique dans mon sac à dos (très bonne décision finalement je l’ai vraiment appréciée sur les deux premières descentes). N’étant pas sûr de trouver une fontaine, je prends aussi en plus de mes deux bidons sur le vélo 1 litre supplémentaire dans mon sac, qui commence à peser bien lourd. Et je m’élance vers 6H10 pour ce gigantesque défi avec 10 minutes de retard. Il va falloir cravacher.
Les deux premières montées
Montée 1 – Col du Grand Colombier - Anglefort
- Première photo et je me lance dans cette montée à 6H11 - Alea Jacta Est
- D’Anglefort, il y a une première partie très difficile sans aucun répit entre 9 et 10,5% de 10km jusqu’au replat de la Sapette. L’avantage c’est que cette partie est quasi intégralement à l’ombre donc pas de soleil qui me tape dessus, ce qui simplifie les choses. Dès les premières rampes, je passe sur le 34*23 et je ferai quasiment toute la montée jusqu’à la Sapette sur ce développement, en majorité assis, de temps en temps en danseuse pour détendre un peu les muscles ou dans les passages les plus raides. Dans la lignée de mes sorties de Juin, je trouve que les jambes tournent plutôt pas mal mais sans me sentir « aérien » comme j’avais pu l’être lors du cinglé du Ventoux. Maintenant au vu du programme, je ne veux clairement pas non plus me mettre dans le rouge.
- Le panneau des 5km indique l’arrivée au replat de la Sapette. Les 5 km restants sont beaucoup plus irréguliers, mais surtout beaucoup plus faciles et j’en profite pour récupérer un peu pendant quelques kilomètres
- A 3 ou 4km du sommet, on sort aussi la sortie de la forêt et là d’un coup je me retrouve avec un énorme vent glacial de côté, zut alors moi qui déteste le vent. J’appréhende à ce moment là la descente qui risque d’être glaciale et les autres versants où je vais me prendre ce vente pleine face...
- J’attaque les rampes finales à 8-10% en danseuse et j’arrive au sommet à 7H29, soit environ 1H18 de montée ce qui confirme mon ressenti dans les jambes, je suis sur du du 933m de dénivelé à l’heure, un chiffre qui est plutôt bon mais assez nettement en dessous des 970m à l’heure que j’avais fait sur mes deux premières montées du Ventoux.
- Je n’ai croisé aucun cycliste montant ou descendant et je me dis que je suis peut être du coup le premier cycliste au sommet de la journée. Au sommet c’est complètement désert et il fait absolument glacial. Du coup, je ne m’attarde pas, juste le temps de noter l’heure d’arriver, de passer ma veste thermique, mon coupe vent, d’avaler quelques abricots secs et je me lance directement dans la descente vers Artemarre.
- Le début de la descente est glacial, dans le vent et sans soleil qui n’est pas encore au dessus du colombier. Heureusement au bout de quelques kilomètres le vent disparaît. Le soleil apparaîtra finalement en bas de la vallée entre Virieu le Petit et Artemarre. C’est aussi à ce moment là que je croise les premiers cyclistes.
Montée 2 – col du Grand Colombier - Artemare
- Je me repose un moment dans Artemare avant le prendre la photo règlementaire et m’élancer dans ma deuxième montée à 8H18.
- La première partie de la montée est très roulante vers Artemarre. Je suis sous le soleil, mais il fait encore une chaleur agréable à cette heure là. Au vu de la partie suivante, je sais qu’il il ne faut surtout pas forcer et se mettre dans le rouge ici, j’avance donc tranquillement, ce qui ne m’empêche pas de déjà dépasser quelques cyclistes avant Virieu le Petit. Pas de souci particulier sur cette phase.
- En tournant à droite à Virieu le Petit, on attaque la partie la plus immonde du défi. En effet, entre Virieu le Petit et la Selle de Fromentel on est sur 4,5 kilomètres avec des pourcentages parmi les plus durs des Alpes. Cependant, quand on connaît la montée il est possible de la gérer correctement. Les 1,5 premiers kilomètres présentent des pentes qui ne sont pas supérieures 10%. Je passe directement sur le 34*25 ici et je pédale uniquement assis, préférant garder des forces pour passer en danseuse sur la suite, les kilomètres suivants étant à 12,2%, 14,8% et enfin 12% (dont 100m complètement plats à la fin), le tout avec des petits murs à 18-20%. Sur ces 3 kilomètres je passe immédiatement sur mon plus petit développement (34*28) je reste assis quand je le peux (surtout au début) et je passe en danseuse dès que c’est trop difficile. Je pense que j’ai fait la quasi-totalité des deux derniers kilomètres en danseuse, mais je réussis à passer sans trop de dommages. Ces 4,5 kilomètres sont heureusement bien ombragés et il ne fait pas encore trop chaud, mais je n’ose pas imaginer la difficulté en plein canicule et si on était directement sous le soleil.
- A Fromentel, on sort de la forêt et on a droit à un kilomètre de récupération à 4,5% qui fait beaucoup de bien. Par contre, dès la sortie de la forêt, le vent refait son apparition et les 3 derniers kilomètres de montée sont extrêmement pénibles – on retombe sur des pentes à près de 10%, le tout dans un vent pleine face et absolument glacial. Je suis même obligé de m’arrêter un court moment pour passer mon coupe vent tellement c’est désagréable.
- Arrivée au sommet à 9H38, soit 1H20 de montée. L’ambiance est radicalement différente de mon premier passage, c’est blindé de cyclistes, il faut dire que je suis tombé le jour où le Grand Colombier est réservé cyclistes côté Anglefort. Je discute avec quelques membres des Fêlés, je prends quelques photos au sommet (la vue est magnifique et très ouverte, contrairement au jour de ma tentative de 2016 où il y avait des brumes de chaleur) puis je m’élance dans la descente vers Anglefort pour mon premier ravitaillement.
- Dans la descente je vais croiser littéralement des cyclistes partout (peut être 200 en tout), c’est assez impressionnant, on se croirait au Tourmalet, à l’Alpe, au Galibier ou au Ventoux, chapeau aux organisateurs des Fêlés qui ont vraiment réussi à créer quelque chose pour les cyclistes. J’arrive vers 10H20 à ma voiture.
La synthèse de ces deux montées
Globalement je suis très satisfait de mes deux premières montées, les jambes étaient bonnes, je n’ai eu aucun problème particulier. Jusque là, c’était conforme à mes espérances. Je m’amuse de voir qu’à 9H38, heure où d’habitude je suis encore dans les bras de Morphée, j’ai déjà fait quasiment 2500m de dénivelé soit plus ou moins une de mes sorties « normales ». J’ai réussi non seulement à rattraper mes 10 minutes de retard mais à prendre un peu d’avance sur mon timing – je devais être à 10H30 à ma voiture et repartir vers 11H
Les montées trois et quatre
Montée 3 – col de la Biche - Gigniez
- Evidemment le ravitaillement prend un peu plus de temps que prévu et du coup je repars de nouveau un peu en retard, mais je ne suis pas inquiet, normalement le col de la Biche est plus court et devrait me permettre de rattraper sans problème ce retard. Au vu du vent glacial au colombier, je décide de conserver ma veste thermique (qui finalement ne me servira plus) et je remplis mes bidons avec de nouveau 1l en plus dans mon sac.
- Ce sur quoi je n’avais pas compté, c’est cette première partie entre Anglefort et Gigniez, je pensais que c’était juste quelques kilomètres de plat, mais en réalité c’est 6km de faux plat montant avec la pente qui varie sans arrêt entre 0% et 5%, c’est extrêmement désagréable, impossible de trouver le bon rythme, je déteste ce type de profil, j’ai toujours l’impression de m’épuiser inutilement et d’être scotché à la route. Alors que ça n’avait pas gêné sur ma première montée, là je sens vraiment bien le poids de mon sac sur mon dos et je décide que je ferai différemment pour les montées 5 et 6.
- Je pousse un ouf de soulagement lorsque j’arrive à Gigniez où je prends la photo et je commence la « vraie » montée du col de la biche à 11H23.
- J’avais déjà monté le col de la biche en 2016 (le jour avant le grand colombier), mais je ne me rappelais pas d’une montée aussi dure. Sur quasiment 10km, la pente n’offre aucun répit, on est toujours entre 8 et 10%. En plus, contrairement aux deux premières montées, ici on est bien exposé au soleil et ça commence déjà à sérieusement « taper ». Soulagement par contre, il n’y a pas de vent sur le col de la Biche. Globalement, les jambes tournent beaucoup moins bien que sur les deux premiers cols, mais bon je m’y attendais puisqu’au bout de quelques kilomètres j’en suis déjà à 3000m de dénivelé. J’ai quand même mes premiers instants de doute dans cette montée car je sens déjà bien les jambes et la fatigue alors que je n’ai même pas encore fait la moitié du parcours.
- La fin de ce col est « bizarre », on arrive sur un plateau, on croît qu’on est au col, mais en réalité il y a un km de plat puis on redescend sur un km avant d’avoir de nouveau un km de montée bien sèche pour arriver au vrai col.
- Arrivée au col à 12H35, il y a plusieurs cyclistes au sommet, on discute un peu mais je ne m’attarde pas, je m’élance dans la descente vers Champagne.
- La descente jusqu’à Brénaz est rapide, par contre entre Brénaz et Champagne on est sur du faux plat où il faut pédaler, je sens déjà que ce passage va être pénible dans l’autre sens (ce sera pour ma 6ème montée). Arrivée à Champagne et petite pause.
Montée 4 - col du Grand Colombier – Champagne
- Photo et départ de Champagne pour ma 3ème montée du Grand Colombier à 13H14.
- Je sens depuis le départ que la 4ème montée va être la montée clé pour la réussite ou l’échec de ce parcours. Autant pour les 3 premières montées, on est sur mes dénivelés « habituels », autant sur la 4ème, on arrive sur un niveau de dénivelé que je ne fais jamais et si j’arrive complètement crevé en haut de cette montée, je pense que je vais avoir beaucoup de mal à motiver pour repartir pour deux montées supplémentaires de souffrance intense. J’attends donc de voir le verdict des jambes et du mental dans la prochaine heure et demi.
- Cette montée commence en réalité par une… descente d’environ 50 de dénivelé avant de remonter doucement sur Lochieu. La première partie de la montée est « facile » jusqu’à Lochieu avec des pourcentages intermédiaires, un peut comme entre Artemarre et Virieu le Petit
- Après Lochieu, je me rappelle d’une montée en escaliers avec des passages plus ou moins à longs à 10% suivi de passages de replat. Et finalement c’est un profil qui correspond parfaitement bien pour une 4ème montée, j’arrive à trouver sans gros problème mon rythme dans les passages difficiles sur le 34*25 où j’alterne entre pédaler assis et en danseuse et où je profite de chaque replat pour récupérer.
- A 4km du sommet, on retombe sur la même route que celle d’Artemarre et, ouf de soulagement, le vent a largement baissé sur le grand colombier. Les jambes répondent bien sur les 3 derniers kilomètres difficiles et j’arrive au sommet à 14H34 soit 1H20 de montée, vraiment pas mal du tout pour une 4ème montée.
- Au sommet, il n’y a quasiment plus personne. Je discute un bon moment avec quelques fêlés et avec deux Néerlandais qui ont fait deux montées du Grand Colombier et hésitaient à en faire une 3ème, avant de redescendre sur Anglefort pour mon deuxième ravitaillement et ma deuxième montée par Anglefort. A ce moment là, plus aucun doute, ma 4ème montée n’a pas été plus dure que la 3ème alors que c’est celle que je craignais vraiment. Du coup, je vais continuer.
La synthèse de ces deux montées
Globalement je suis encore une fois très satisfait de ces deux montées. La 3ème a été un peu compliquée (mais je m’attendais à ce que ce soit le cas), mais la 4ème a été au-delà de mes espérances. Je suis confiant à ce moment là quand à ma capacité à finir le défi
Les deux dernières montées
Montée 5 – col du Grand Colombier – Anglefort
- Mon ravitaillement terminé, mon sac allégé (je prends uniquement mes deux bidons, j’ai décidé que je me débrouillerai pour trouver une fontaine avant ma 6ème montée et je n’ai clairement plus besoin de ma veste thermique), et il est 15H53 lorsque je m’élance pour ma 5ème montée. Je suis dans les temps (j’avais prévu de partir à 16H).
- Vu que la route de Culoz est fermée, je fais donc pour la deuxième fois de la journée la route d’Anglefort. Je connais donc parfaitement son profil. Me sentant bien, je commence à me prendre au jeu de monter les 4 montées du Colombier en moins d’une heure trente. En 2016, j’avais échoué pour quelques minutes lors de ma 4ème montée qui était déjà celle d’Anglefort. Je me rappelle que j’étais arrivé à la Sapette avec un temps qui me permettait d’espérer y arriver, mais quand j’avais essayé d’accélérer sur le replat je n’avais plus aucune force et j’avais terminé en roue libre. Cependant, ce n’est qu’un objectif secondaire et je décide de ne pas me prendre la tête avec, je verrai de nouveau où j’en suis à la sapette et j’aviserai à ce moment là.
- Et la 5ème montée va me réserver une grosse surprise, je me cale sur le 34*23 dès les premières rampes (alors que je pensais devoir utiliser le 34*25) et… les jambes tournent bien, très bien même, je me sens mieux que sur les deux montées précédentes. Les deux premiers kilomètres sont très difficiles car il fait vraiment chaud, mais après on est bien à l’ombre et ça change tout. Les kilomètres difficiles défilent et les jambes semblent tourner toutes seules, le chrono semble confirmer l’affaire, alors que j’arrive dans les 5000-5500 mètres de dénivelé, j’ai un peu de mal à comprendre comment je peux me sentir mieux qu’avant... ? J’étais mal sur les montées 3 et 4 parce que je digérais mon repas ? Ou au contraire, je manquais d’énergie sur ces montées et j’ai enfin récupéré l’énergie de ce repas ? Ou alors un médecin suspect a glissé la potion magique de Tadej Pogacar dans un de mes bidons ?
- Toujours est-il que j’arrive sans aucun souci à la Sapette, je regarde le chrono, pile une heure depuis le début de la montée, il reste 5km faciles, ça devrait le faire sans aucun souci pour descendre sous une heure trente. J’accélère un peu sur le replat, je sens quand même que les jambes sont lourdes dès que je tente de changer le rythme et comme je vois que je n’ai pas besoin de forcer, je continue à mon rythme jusqu’à l’arrivée au sommet à 17H15.
- J’ai donc fait cette montée en 1H22, soit seulement 4 minutes de plus que ma première montée du matin. Je trouve cela assez incompréhensible. A ce moment là, je me dis que la 6ème montée ne sera qu’une formalité et je pense déjà à faire les derniers kilomètres de montée un peu en dedans pour pouvoir savourer et en profiter vraiment, bref moment d’arrogance que je vais regretter par la suite.
- Je ne m’attarde pas au sommet, simplement le temps de manger quelques abricots secs et c’est là que j’ai ma première alerte, j’ai beaucoup de mal à les avaler, chose qui m’arrive souvent en tout début de saison cycliste et qui est le premier signe d’une fatigue généralisée qui s’installe. Au vu de la facilité de ma 5ème montée, je n’y paye cependant pas vraiment attention et je m’élance dans la descente.
- La descente vers Lochieu est pénible avec ses replats qui forcent à beaucoup pédaler, et c’est là que j’ai la confirmation que tout est en train de changer, je commencer à avoir beaucoup de mal à relancer dans les parties plus planes et les derniers kilomètres qui remontent légèrement vers Champagne vont être compliqués.
- Je cherche aussi une fontaine car je n’ai plus d’eau pour ma dernière montée, j’en trouve plusieurs à Lochieu mais aucune n’est indiquée « eau potable ». Je sais que certains amis cyclistes considèrent que s’il n’est pas marqué « eau non potable », c’est qu’elle est potable, mais ça m’a toujours semblé être un non sens – à moins d’être local et de savoir si elle est vraiment potable ou non, qu’est ce qui permet de distinguer une fontaine potable où rien n’est indiqué d’une fontaine non potable où rien n’est indiqué parce le propriétaire est trop faignant/incompétent pour avoir indiqué « non potable » ou encore une fontaine non potable où l’indication « non potable » est simplement tombée ou a été effacée. A Champagne je trouve de nouveau une fontaine où rien n’est indiqué, j’hésite, l’eau me semble de couleur suspecte et je décide de ne prendre aucun risque, je trouve finalement une épicerie où j’achète de l’eau.
Montée 6 – col de la Biche – Champagne
- A Champagne, je cherche pendant un moment le panneau de départ de la montée, je ne le trouve pas (et pour cause, je le trouverai en réalité plus tard à Brénaz). Du coup je prends ) la place une photo du panneau de sortie de champagne à 18H25 et je m’élance dans la dernière montée.
- Les 7 premiers kilomètres vers Brénaz correspondent plus à un faux plat montant qu’à une vraie montée et comme prévu c’est le type de passage très compliqué pour moi, je dirais même qu’ils ont été horribles. Je n’arrive pas à trouver mon rythme, je passe sur la plaque et je m’épuise, je retourne sur le petit plateau et je me trouve collé à la route. Bref, je m’énerve sur ces satanés kilomètres. Avec le recul, la manière dont j’ai géré cette partie a été une grosse erreur, j’aurais du m’apercevoir ce que me disait mon corps, me mettre sur le petit plateau et simplement tourner les jambes et accepter d’avancer lentement, au vu de la facilité de ces kilomètres, ce serait passé tout seul, mais à ce moment là j’étais encore dans l’état d’esprit de ma 5ème montée où j’étais convaincu d’être en forme olympique. J’ai vraiment dépensé ce qui me restait d’énergie en pure perte. Une bonne leçon à retenir.
- Arrivé à Brénaz, la pente s’élève d’un coup et 500m plus loin on tourne à droite sur une petite route et c’est parti pour les derniers 6km à plus de 9% de moyenne. Le premier kilomètre se passe d’abord bien, je l’avale assis sur la selle en 34*25. Cependant aux 5 kilomètres je fais ma deuxième erreur, ce kilomètre est annoncé à 10,7%, je vois que je n’arrive pas à passer la première rampe assis et je passe en danseuse au lieu d’utiliser mon 34*28 (il faut dire que je n’ai pas l’habitude d’utiliser le 34*28 que je réserve d’habitude aux pentes les plus sévères). Et là je me retrouve finalement en danseuse pendant deux kilomètres entiers, le suivant étant également à plus de 10%. En temps normal, ça n’aurait pas posé problème, sauf que là je devais vraiment être proche de ma limite et ces deux kilomètres m’ont complètement achevé. Ils me paraissent longs, longs, très longs. J’arrive enfin au kilomètre 3 annoncé à 8,5%, je pousse un ouf de soulagement, je me rassieds sur la selle, sauf que je n’ai plus rien dans le moteur et les 3 derniers kilomètres vont être un calvaire.
- J’arrive au sommet de la Biche, je note juste mon heure d’arrivée (19H36), mais je ne fais pas une pause ici car je sais qu’il y a encore la fameuse remontée de l’autre côté avant de pouvoir faire la dernière descente. Je redescends un km, je finis le dernier kilomètre de montée au courage, intégralement en danseuse. Petite pause au sommet de la biche pour récupérer un peu de lucidité avant la dernière descente et je redescends sur Gigniez puis Anglefort. Un bon indicateur de mon état de fatigue est que je mettrai d’ailleurs quasiment une heure depuis le sommet de la Biche jusqu'à Anglefort (arrivée à la voiture à 20H31) sur cette dernière partie alors que j’ai fait une pause vraiment courte et qu’il n’y avait plus aucune autre difficulté autre que ce dernier kilomètre de montée.
- J’arrive à la voiture, je suis juste épuisé, je n’arrive même pas à me réjouir. Je ne réalise pas encore bien l’exploit que je viens de réaliser, ce sera pour le lendemain une fois bien reposé (et courbaturé J)
La synthèse de ces deux montées
Sur ces 5ème et 6ème montées, je serai passé par toutes les émotions, de l’euphorie dans ma 5ème montée (où je n’arrive toujours pas à comprendre comment je pouvais être à ce niveau à ce stade du défi), à l’énervement au début de la 6ème dans les faux plats et à l’épuisement et au calvaire soudain dans la fin de la 6ème montée. Finalement cette euphorie qui aurait pu me porter m’a desservi à la fin car elle m’a fait commettre quelques erreurs sans lesquelles je pense que j’aurais pu terminer ce défi de manière plus serein.
Et dans tous les cas… heureusement qu’il n’y avait pas de 7ème montée J