Notre "Défi Bugiste" de nuit...

 

Qui sommes-nous ?

Qui sommes nous face à la montagne, qui sommes-nous face à ces pentes, qui sommes nous face à ce défi ?

Aout 2018, de retour de la vallée de l’Ubaye, nous nous arrêtons à Culoz pour gravir le col du grand colombier découvert en 2017. Steph part pour le défi bugiste et moi pour le défi des fêlés (4 faces). Après cette franche réussite et la super journée passée, j’ai eu envie de passer à la catégorie supérieure.

Dans le projet de conquête des 7 majeurs en août 2019, nous voilà à planifier de faire rentrer le défi bugiste dans la fin de notre préparation. Préparation qui s’est déroulée dans le Morvan (mai et juin), dans le Cantal (avec le défi du Cantal Puy Mary et col de Perthus), au mont Brouilly (défi des Sixphonnés) et ultime banderille, et pas des moindres, dans le Bugey (juillet) !!!

Le Bugey se trouve sur le chemin qui mène à la vallée de l’Ubaye, il est donc prévu que nous fassions le défi le 25 juillet.  La date est identifiée depuis longtemps. Manque de chance, CANICULE !! Hors de question de prendre le départ d’un tel défi par 40°C, c’est suicidaire, ce serait manquer d’humilité face aux difficultés que représentent le col du grand colombier et le col de la Biche !!! On décide donc de le faire dans la nuit du 24 au 25 juillet. Comme il y a toujours un point positif dans les situation négatives, c’est l’occasion de tester la lampe qu’on a achetée pour les 7 majeurs (SIGMA buster 2000).

 

Le "Défi Bugiste"

Steph et moi nous élançons à 19h30 d’Anglefort, le 24/07. Nous avons choisi de partir d’Angelfort pour placer les 3 plus grosses difficultés au départ (Anglefort, Artemare, col de la biche par Gignez) même si les 3 autres ne seront pas de la tarte non plus compte tenu des pourcentages de pente.

Au départ, je vois le défi comme un tout de 206 km et 7000 m de D+. Pourtant, mentalement, dès les premières rampes d’Angelfort à 10 %, je bascule dans le défi en fractionnant ce dernier. Désormais, ce n’est plus un tout mais 6 montées successives à réaliser.

 

Grand colombier par Anglefort.

Il fait encore chaud mais la route est protégée du soleil par les arbres une bonne partie de la montée. Les jambes ne sont pas super dans ces pourcentages importants mais je me dis que ça va aller. Je décide de me mettre en mode économie et de ne pas forcer. Donc tout à gauche en 34x34. Je combine cela avec un balayage de la route savamment exécuté (autre avantage de la soirée, il y a très peu de circulation !!). Je pense à la directissime qui m’attends dans 2h30 et je sais qu’il faudra avoir du jus pour ne pas mettre pied à terre. Arrivée à l’intersection avec la route qui vient de Culoz, encore 1 km à 9 % puis un replat à 7 % (oui dans le col du grand Colombier les replats qui permettent de souffler sont à 6 ou 7 % !). C’est reparti pour un gros km avec le passage à 14 % toujours à l’économie, on ne s’énerve pas hein !!!! Voilà, le plus gros est passé, un peu de tôle ondulée pour rejoindre la dernière rampe et me voilà au sommet où Steph m’attend avec les personnes qui tiennent le snack !

Super cool de boire un coca frais au sommet et de discuter avec eux. Ils nous proposent de nous mettre des cocas et une bouteille d’eau à un endroit spécifique pour que nous puissions en bénéficier durant la nuit. Super heureuse de cette proposition et de ces échanges galvanisateurs. Merci beaucoup à eux !

Descente en mode tranquille, quelques agriculteurs qui finissent leurs foins, des chiens tranquilles qui nous regardent un peu ahuris et nous voilà à Artemare. Eclairage mis en place, tout va bien jusqu’alors.

 
Grand Colombier  Artemare et Virieu-le-petit.

Ça part tranquille au-dessus d’Artemare où, après un ou deux km à 6 ou 7 %, nous rejoignons le faux plat montant qui va nous amener à cette jolie petite bourgade et la DIRECTISSIME !! J’en claque des dents ! L’année dernière, cela avait été difficile et j’avais commencé par cette face donc là forcément. Steph l’avait fait en 4e, pffff je n’ose même pas l’imaginer !!! Bon ben, en avant, virage à droite et c’est parti pour 4,5 km. Ça commence tranquille … à 9,6 % ! L’avantage avec le mode 4 de la lampe est que ça n’éclaire que 5 m devant donc pas je ne suis pas effrayée par la pente. Nous grimpons chacun à notre rythme et bientôt, je ne vois plus la lampe arrière de Steph. Je sens que la pente se durcit donc on aborde les plus gros pourcentages. Balayage de la route en mode 34x34 toujours dans un but d’économie…. Enfin c’est ce que j’espère parce que ça fait mal. Virage à gauche, je me dis que je pars dans la directissime et sa pente à 20 %. Je me trouve mieux que l’année dernière donc je suis contente !!! Bon le problème est que 10 minutes plus tard, je reconnais un autre virage à gauche et là, je me dis que je me suis trompée de virage !! La DIRECTISSIME, C’EST MAINTENANT !!!!!!! Ô pauvre, mentalement, je visse tout et c’est parti debout sur les pédales. Bon ben là, c’est comme l’année dernière hein !!!!!!!! 1,5 km en 20 minutes, il ne faut pas s’énerver et ça va passer !! Je vois, au loin, le panneau de l’intersection avec la route de Lochieu. Le panneau met très longtemps à se rapprocher ou c’est plutôt moi qui mets longtemps à l’atteindre. Ouff, ça c’est une victoire d’être sortie raisonnablement sans avoir mis pied à terre. Je vais pouvoir respirer un peu pendant 2 km avant d’attaquer les 2 derniers km du col qui sont, de mémoire, assez bruts ! Je vois la lampe de Steph, au sortir du bois, qui m’encourage. Il vient d’arriver au sommet et il me reste environ 1,5 km. Dernière rampe entre 10 et 13 % de pente et paf sommet 2 !

Je suis un peu éprouvée ; nous prenons le temps de nous ravitailler en coca (merci aux gérants du snack) histoire que je retrouve mes esprits. J’éprouve un peu de mal à m’alimenter. Je bascule sur gels et compotes que Steph transporte pour moi (un vrai sherpa, son vélo doit peser dans les 13 ou 14 kg avec tout ce qu’il a dans ses sacoches !)

Après une quinzaine de minute de pause, nous repartons dans la descente d’Anglefort, tranquillement, lampe sur le mode 3 qui nous permet de très bien voir à plus de 20 m. Un ravito un peu plus important à Anglefort au niveau de la fontaine à eau et nous partons direction Gignez.

 

Col de la Biche par Gignez.

 Steph l’a fait l’an dernier et me dis de tout passer à gauche à l’abord du virage qui nous fait prendre le col !! Euh oui, pas le moment de se planter de vitesse, ça monte brut d’emblée et ça va durer un petit moment comme ça. On arrive après quelque km de balayage à une zone de replat à 6 ou 7 % (et oui même dans le col de la Biche on souffle quand même à 6 ou 7% !) qui permet de souffler avant un dernier rush pour arriver sur le plateau. Mais le panneau du col se situe après une grosse cuvette (je n’ai pas du tout aimé !) et donc une remontée pour taper le panneau !!!!!

11 km de montée entre 8 et 10 %, je suis cuite en haut !!! Il reste encore 3 cols, nous sommes en pleine nuit, ça promet !!!!!

Bon allez, direction champagne pour la 4e montée.

 

Grand Colombier par Champagne et Lochieu.

Cette montée est dite la plus tranquille, ça tombe bien, il me faut récupérer. Bon comme je l’ai faite l’an passé, je sais qu’elle ne sera pas aussi simple qu’on le dit !!! En effet, il faudra passer sa pente à 14 % et le même final pour atteindre le sommet après le croisement avec la directissime. Ce col s’attaque calmement avec quelque km de tôle ondulée avant que la pente, à Lochieu, augmente progressivement jusqu’au croisement. Dans la tête ça commence à être dur mais c’est juste de la lassitude. On monte chacun à notre rythme à partir de Lochieu. Je balaye un peu la route sur les pourcentages entre 8,5 et 10 puis dans le pourcentage à 14 %, j’opère un balayage systématique. Et voilà, je sors à nouveau de ce pourcentage pour me retrouver dans les champs qui sont au niveau du croisement, il ne reste plus que les deux derniers km et la rampe finale. A nouveau je vois la lampe de Steph qu’il a mis en mode alternatif pour que je le devine bien. Allez plus que 1,5 km… Et c’est le sommet !!!!!! C’est l’aube naissante, je suis bien impactée et nous faisons une pause de 20 minutes pour que je me ressaisisse. C’est très dur d’autant qu’il reste Culoz et je sais que le pied comme les 3 km qui suivent le croisement avec la route d’Anglefort vont être le juge de paix. Si je fais Culoz, le défi est quasiment gagné, car il ne restera que le col de la Biche par Brenaz !!

On remonte à vélo et la descente se fait en deux temps. A la fin du replat, je m’arrête pour essayer de m’alimenter (pas top donc gel et compote) et pour fermer les yeux 3 minutes. La fatigue est là mais il faut passer les lacets de Culoz avant les grosses chaleurs du matin. On repart et nous atteignons Culoz vers 7 h. Steph va faire le ravito en eau tandis que je commence l’ascension après avoir pointé.

 

Grand colombier par Culoz.

Verrouillage du cerveau et feu !!! Mollement mais sûrement j’entame les premières rampes dans le lotissement puis juste au-dessus. Ce n’est pas trop difficile mais pas facile non plus. Et arrivent les lacets dans la roche que j’aborde en me disant que chaque coup de pédale me rapproche du sommet. A la descente nous avons croisé un trio de cyclistes. Bientôt au loin, j’en aperçois un qui dans les forts pourcentages balaye, lui aussi, la route avant de s’arrêter. Il me voit passer à la vitesse de l’escargot sur sol sec tandis que ses compagnons redescendent pour le récupérer. Arrivée sur le replat, Steph m’ayant rattrapé dans les derniers gros pourcentages, je refais une pause pour tenter de m’alimenter. Steph me donne de quoi boire et manger (merci à mon super sherpa !). Allongée dans l’herbe, je récupère et me dis que je dois faire cette montée par étape. 10 minutes plus tard, je repars avec Steph qui finira à son rythme. La partie à 14 % passe comme d’habitude en balayant la route, no stress. 2 km avant le sommet, je décide de refaire une pause. Je croise alors Matthieu, un VTTiste, avec qui je vais faire les deux derniers km. Je discute, ce qui me fait beaucoup de bien, et je ne vois pas passer le temps. Steph m’attend en haut avec les deux gérants du snack. Je fais un grand signe de la main, super contente car je sais que sauf incident, le défi sera réussi !!!

Le temps de prendre un café et manger deux madeleines, de discuter et de remercier les gérants pour leur gentillesse, nous repartons dans la descente direction Champagne.

 

Col de la Biche par Brenaz (col le plus court du défi depuis Brenaz).

A Champagne, nous prenons la direction de Brenaz par un long faux plat montant. Il commence à faire très chaud, il n’est pas loin de 10h. arrivée à Brenaz, on prend la direction du col pour la dernière montée. L’attaque et paisible mais très rapidement, des forts pourcentages apparaissent. Je suis à 5 ou 6 km/h, mais peu importe, je continue de monter. Il faut simplement accepter de ne pas aller vite. On alterne zones ombragées et zones sous le soleil, je bois beaucoup. Et tout à coup, je vois Steph arrêté !!!!! et où m’attend-t-il ?????? au niveau du panneau, et voilà, c’est fait pour cette dernière montée. Il reste à avaler la cuvette et sa remontée sur 1 km à 10 % et ensuite descendre pour boucler la boucle.

Super contente, on prend les photos qui vont bien et on part sur la cuvette (remontée à 10 % terrible) et descente sur Gignez puis nous voilà de retour au point de départ !! C’est bon ça. Il est 12h10 le 25/07, le défi est bouclé !!!!! Ypikaï !

 

Pour conclure

Qui sommes-nous face à la montagne ? Des femmes et des hommes passionnés qui tentent d’apprivoiser un colosse de la nature.

Qui sommes-nous face à ces pentes ? Des femmes et des hommes cramponnés à ces forts pourcentages méconnus dans les cols alpins dans des distances kilométriques aussi importantes. « ICI, C’EST L’AIN »

Qui sommes-nous face à ce défi ? Une femme et un homme qui veulent défier leurs limites physiques et psychologiques tout en conservant une pleine lucidité dans l’effort.

 

Sophie DUVERNAY – Stéphane MAURE – 24 juillet 2019